Voyage – Gauguin à Tahiti
Il y a cent ans, le 8 mai 1903 mourait Paul Gauguin dans sa maison du Jouir, à Atuona, aux Iles Marquises. C’est pour célébrer cet anniversaire qu’est rendu cette année hommage à celui qui, à la veille de sa mort, revendiquait « le droit de tout oser ». Si le départ de Gauguin pour Tahiti en 1891 constitue le tournant majeur de l’artiste fuyant l’incompréhension du Vieux continent, les œuvres qu’il réalisa dans ce lointain ailleurs n’avaient jusque-là jamais fait l’objet d’exposition spécifique, en dehors du livre de référence Gauguin, de June Hargrove
L’exposition Gauguin du Grand Palais
Focalisée sur les deux séjours de Gauguin à Tahiti puis aux Iles Marquises, l’exposition remonte aux sources du tableau que Gauguin envisageait comme son testament pictural. Celui-ci, qui n’était pas revenu en France depuis plus d’un demi-siècle, est intitulé « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » et apparaît comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de sa création et l’œuvre phare de l’exposition. Pour comprendre sa genèse, il est entouré de huit tableaux qui avaient été exposés en même temps à la galerie d’Ambroise Vollard en 1908.
Mais la rétrospective « Gauguin à Tahiti » présente aussi les peintures et sculptures réalisées lors du premier voyage, entre 1891 et 1893. On y voit Gauguin s’approprier progressivement la culture polynésienne qui marquera sa vie toute de bruit et de fureur, atteignant alors une plénitude expressive où la douceur des coloris des aplats sert une composition à la fois sensuelle et vigoureuse.
Plus de deux cents œuvres de Gauguin provenant des Musées et des collections privées des quatre coins du monde illuminent notre parcours : une trentaine de sculpture et d’objets d’art inspirés des arts premiers polynésiens, plus d’une soixantaine d’œuvres graphiques largement méconnues (dessins, pastels et gravures pour l’essentiel), des manuscrits majeurs du peintre et une cinquantaine d’œuvres réalisées au cours des deux séjours polynésiens.
Nul doute que les œuvres réunies par le Grand Palais rencontreront aujourd’hui le succès qui leur fit défaut il y a un siècle : l’œuvre est aussi colorée que superbe et l’on peine à quitter les galeries du Grand Palais pour s’engouffrer dans les rigueurs de l’hiver parisien.
(1) A l’exception des deux panneaux du Diptyque de Melun d’Anvers et de Berlin et les quarante feuillets des Heures d’Etienne Chevalier du musée Condé qui font l’objet d’une exposition parallèle à Chantilly.
Point biographique sur Gauguin à Tahiti
À son arrivée à Tahiti en 1891, Gauguin a été confronté à une société très différente de son éducation européenne. Les habitants indigènes de Tahiti avaient leurs propres coutumes, traditions et mode de vie, et Gauguin était à la fois intrigué et défié par ce monde inconnu. Il s’est immergé dans la culture tahitienne, apprenant la langue, incorporant des motifs locaux dans ses œuvres et tissant des liens étroits avec les habitants natifs.
Cependant, le séjour de Gauguin à Tahiti n’a pas été sans difficultés. Il a lutté contre la pauvreté, la maladie et la solitude, se sentant souvent comme un étranger dans un endroit qu’il avait espéré l’inspirer. Sa relation avec les femmes tahitiennes, souvent romantique et critiquée, était complexe et chargée de dynamiques de pouvoir et de malentendus culturels.
Malgré ces défis, le temps que Gauguin a passé à Tahiti a eu un impact profond sur son œuvre. Les couleurs vives, les paysages luxuriants et les motifs exotiques de Tahiti sont devenus des thèmes récurrents dans ses peintures, donnant à son travail un sentiment d’exotisme et d’évasion. Son séjour à Tahiti a également marqué un tournant dans son style artistique, s’éloignant de l’Impressionnisme vers une approche plus symbolique et émotionnelle de la peinture.